lundi 20 février 2017

Réduction en four à gaz

Jusqu'à présent je n'avais jamais fait de cuisson en réduction dans un four à gaz. Je fais mes cuissons en oxydation dans un four électrique. Avec les deux types de cuissons on peut obtenir des effets différents car la présence (oxydation) ou l'absence (réduction) d'oxygène peut impacter les émaux. Par exemple, avec une cuisson en oxydation, un émail au cuivre sera vert, tandis qu'en réduction il pourra être rouge. Dans le four électrique, on est limité aux cuissons en oxydation car il n'y a pas de combustion à l'intérieur du four, qui est chauffé par des résistances. Dans un four à gaz ou un four à bois, la combustion se passe à l'intérieur du four et si on réduit l'apport en oxygène, la flamme va chercher l'oxygène nécessaire à la combustion dans les émaux. Ça change la composition chimique des émaux et produit des couleurs différentes.

Ça aurait été un peu dommage de quitter la pépinière sans avoir fait de cuisson en réduction - d'autant plus que le musée a récemment acheté un four à gaz flambant neuf. La semaine dernière j'ai enfin pu apprendre à faire une cuisson dans ce four, et c'étais à la fois simple et compliqué.

Première complication : je n'avais pas d'émaux pour réduction. J'ai donc cherché des recettes et surtout des recettes comprenant des ingrédients que j'avais déjà dans l'atelier. J'ai pas mal de livres avec des recettes d'émaux et on en trouve aussi sur internet. J'ai choisi un rouge de cuivre, un bleu de fer, un shino, et un céladon.
Deuxième complication : normalement, pour tester un nouvel émail, je glisse une tuile et/ou un petit bol couvert de cet émail dans une de mes cuissons, ce qui évite de fabriquer beaucoup d'émail pour rien. Cette fois-ci j'ai du remplir le four avec des pièces couvertes de ces quatre émaux inconnus. J'ai donc choisi des pièces biscuitées qui traînaient dans l'atelier depuis des mois (des trucs un peu moins réussis.) J'ai laissé de la marge aux pieds des pièces au cas où les émaux couleraient.
Troisième complication : c'était la première cuisson en réduction dans ce beau four avec réglage automatique ou manuel, et avec P. nous avons découvert ensemble comment gérer la réduction.

Première simplicité : Ce que j'appréhendais toujours dans la cuisson à gaz (par manque d'expérience) c'est de ne pas bien gérer l'arrivée du gaz. C'est un peu ridicule, car tout ce qu'il faut faire c'est ouvrir une vanne et gérer la pression.
Deuxième simplicité : En bas, le four a quatre brûleurs. A l'arrière il y a une série de cheminées, dont les sorties sont juste en dessous de la hôte du four. Pour créer un atmosphère réductrice, on ferme partiellement le registre du four, couvrant en partie les sorties de cheminée. Cherchant l'oxygène, la flamme sort par les cheminées. Quand on voit cette flamme, bleue ou verte selon la composition des émaux, on sait que la réduction est en cours.

Ici, le registre est à moitié fermé et on y voit les flammes.

Si on ferme trop le registre, la température stagne. Pour monter, on peut augmenter la pression ou rouvrir un peu le registre. Si les flammes à la sortie des cheminées disparaissent, c'est qu'on est retourné en oxydation.

Petit hic :  nous sommes passés de cuisson automatique en cuisson manuelle, au milieu de la cuisson. Il y avait un petit temps mort pendant lequel la température a baissé et nous sommes retournés en oxydation. Nous avons ensuite redémarré le four, la température a remonté et nous avons redémarré la réduction.

En ouvrant le four, j'ai trouvé...

...un beau shino. Plus c'est épais, plus c'est blanc.
Posé assez finement sur du grès de Treigny, on a un beau teint orange.


...un bleu de fer pas bleu du tout ! Il est vert comme des haricots trop cuits.
Sur les pièces où j'ai superposé shino sur bleu de fer,
il y a une zone bleu-grise, pleine de cloques !


...un céladon raté sur le vase posé en haut du four, mais pas mal sur 
les assiettes du bas sauf qu'il est très gris. Dans les deux cas, c'est du grès de St. Amand ;
à mon avis, il serait mieux sur une terre plus blanche.


...un rouge de cuivre qui est devenu plus ou moins rose/bordeaux selon les pièces. Les assiettes posées au fond en bas du four sont bien bordeaux sur leur moitié en rouge de cuivre mais les bols posés plus hauts dans le four sont verts avec des points rouges. Les objets en grès blanc sont restés plus verts que ceux en grès de St. Amand.


Hmmm... qu'est-ce que ça veut dire, tout ça ? Il faudrait refaire une cuisson avec les mêmes émaux et sans retour en oxydation en haut de la courbe afin de voir si les émaux réagissent mieux. Ensuite il faudrait potentiellement changer la période de réduction, la courbe de cuisson, ou les recettes.

Je ne vais pas avoir le temps de faire tous ces tests avant de quitter la pépinière et je ne pense pas que je vais avoir un four à gaz dans l'avenir proche. Néanmoins je suis ravie d'avoir fait cette cuisson. Je comprends mieux à quel point la pratique est nécessaire pour contrôler et/ou prédire les résultats en réduction, mais je vois aussi que le déroulement de la cuisson est relativement simple. Qui sait, peut-être un jour j'aurai un four à gaz permettant de continuer ce genre de recherches. Et entre temps, je trouve l'expérience motivant sur d'autres niveaux. Ça me donne envie de poursuivre mes recherches en oxydation et d'approfondir d'autres types de cuissons, comme le raku et le pit-fire. En céramique, chaque découverte est une porte ouverte vers de nouvelles aventures !